Chez les Lehureau, on se dit chercheur de génération en génération. Inspiré par un grand-père manuel et un père chimiste, Jacques a mis au point depuis plusieurs années une douche sans eau. Sans eau ou presque puisque de l’eau s’écoule quand même sauf qu’elle est recyclée et purifiée en temps réel et donc réutilisable quasiment à l’infini. Il suffit de remplir une seule fois un bac de 45 litres et d’y ajouter seulement 3 litres par jour pour compenser la légère évaporation et l’eau que l’on perd en s’essuyant avec une serviette. Une économie d’eau considérable lorsque l’on sait qu’une seule douche nécessite en moyenne 30 à 80 litres.

Conceptualisée en 2006, l’invention de Jacques Lehureau essuie d’abord un échec en 2011 lorsqu’elle est refusée par la Direction générale de l’Armement (DGA) au motif que “son fonctionnement en bioréacteur pourrait causer des risques sanitaires”, explique à FRANCE 24 ce Lyonnais d’origine. La DGA craignait une transmission par l'eau réutilisée des germes et autres bactéries. L’année suivante, il revient avec une version aseptique et dès 2013 sa douche sans eau fonctionnelle commence à se commercialiser. Certains ont même été séduits avant 2013 “la douche a été louée cette année pour son troisième Paris Dakar !”, indique-t-il, fièrement.

Utilisation militaire, civile, nomade...

Portable ou sédentaire, plusieurs déclinaisons de la douche sans eau existent déjà. Jacques Lehureau lui attribue de nombreuses possibilités d’utilisation : militaire (troupes en mission), civile (pour les populations souvent pauvres établies dans les zones désertiques où l’eau peut manquer) ou encore nomade grâce à sa version en kit (idéale en mobil-home, en bateau, en camping ou sur des manifestations en plein air de type festival)...

Soutenu par la Banque publique d’investissement (anciennement Oseo), Jacques Lehureau travaille déjà avec l’armée française et il affirme avoir été approché par la NASA. L’agence spatiale américaine serait intéressée par la douche sans eau qui leur permettrait de recycler l’eau directement dans l’espace. De là à produire de l’eau potable à partir de l’urine des astronautes, il n’y a qu’un pas !

Une version plus performante en 2016

Au total, une dizaine de ses douches fonctionnent déjà à travers le monde. Mais Jacques Lehureau cherche aujourd’hui de l’aide pour commercialiser d’ici à 2016 son second prototype : une nouvelle douche sans eau bien plus performante que la première génération. Cette nouvelle version ne nécessite que 0,5 litre d’eau par jour contre 3 litres pour la version actuelle. Son système breveté de filtration d’eau à base de molécules d’ion et de bulles qui accrochent impuretés et savon avant de les détruire serait également considérablement amélioré.

“Je souhaite intégrer une équipe de recherche pour deux ans afin de finaliser le projet. Et comme dans deux ans j’aurais déjà 71 ans, j’espère pouvoir passer la main à l’équipe de l’entreprise repreneuse”, explique-t-il, précisant qu’il ne recherche pas d’argent dans l’immédiat, seulement une collaboration efficace. Il espère ainsi “valoriser” ses brevets et à terme, toucher un intérêt sur les résultats des ventes de son invention.

100 millions de dollars de chiffre d’affaires

Selon ses propres calculs et prospections, les frais de recherche la première année coûteront 200 000 dollars (147 000 euros environ) à l’entreprise qui voudra bien l’encadrer. Il prévoit pour la seconde année une perte sèche d’environ 100 000 dollars (73 000 euros). Et dès la troisième année, un chiffre d’affaires de 100 millions de dollars (73 millions d’euros). Une prévision optimiste que Jacques Lehureau explique notamment par la marge à faire sur les ventes : “l'excédent brut d'exploitation devrait être important, le prix des composants est de 2 000 dollars (1 500 euros) pour un prix de vente fixé à 16 000 dollars (12 000 euros).”

Et en plus du cadre financier, il lui faudra aussi parvenir à faire évoluer les mentalités encore frileuses à l’idée de réutiliser et partager de l’eau souillée par les autres. Pas sûr que des tests sanitaires parviennent à convaincre les réticents...