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Martin Beniston est le directeur de l’Institut des sciences de l'environnement de l'Université de Genève, en Suisse. Entre 1992 et 1997, il fut l'un des co-présidents du groupe "Impacts Climatiques" du Giec, le panel intergouvernemental d'experts de l'ONU sur l'évolution du climat. Pour FRANCE 24 et le blog "C’est Réel", il commente le nouveau rapport que ces scientifiques ont publié, lundi 31 mars, sur le réchauffement de la planète.

Que pensez-vous du nouveau volet issu du cinquième rapport que le Giec vient de rendre public ? Quels sont les points principaux que vous retenez ?

Je n’ai pas été impliqué dans ce rapport et donc n’ai pas une connaissance approfondie de son contenu. À mon avis les conclusions sont très semblables à celles de rapports précédents, affinés ici ou là par rapport au rapport 2007/2008. Le point selon lequel des conflits pourraient augmenter, notamment pour des raisons de raréfactions de ressources, semble logique au vu de ce qu’il se passe déjà aujourd’hui. Mais dans l’ensemble le rapport ne présente pas de nouveautés spectaculaires sur la question.

Croyez-vous que ce genre de rapport très moralisateur peut motiver le grand public à s’intéresser davantage aux questions environnementales ?

Je ne sais pas si le mot moralisateur est celui qui convient. Si c’est effectivement le cas – tout comme un alarmisme démesuré – je ne pense pas que ce ton-là soit très mobilisateur. C’est probablement beaucoup mieux de parler des problèmes probables liés au changement climatique mais de montrer les pistes de solutions possibles – technologiques, économiques, politiques. Un constat noir sans aucune ‘porte de sortie’ ne véhicule jamais un message d’espoir…

À votre avis, quelles sont les priorités pour lutter contre le changement climatique (réformer le secteur des énergies ? L’agriculture ? Mieux équiper les population pauvres ? Mettre en place de nouvelles politiques gouvernementales dans les pays riches etc.) ?

Vu que 75-80 % des émissions de CO2 dans l’atmosphère proviennent du secteur des carburants fossiles, c’est ce secteur-là qu’il faut aborder en priorité. On en est loin, malheureusement, vu l’arrivée massive depuis 2-3 ans du gaz et du pétrole de schiste en Amérique du Nord… et pour des raisons économiques, je ne pense pas que les moratoires dans différents pays européens vont tenir encore longtemps. La réduction de la pauvreté ainsi qu’une priorité à donner aux pays pauvres pour mettre en œuvre des stratégies d’adaptation seraient tout à fait souhaitable, pour éviter de péjorer encore plus les économies de ces pays émergents.

Pensez-vous que ces travaux du Giec sont une bonne base pour la grande conférence sur le climat organisée à Paris en 2015 ? Après les échecs de Copenhague, Cancun puis Durban, a-t-on des chances d’arriver à progresser sur la question du changement climatique ?

Malgré les défauts qu’on peut reprocher au Giec et à ses rapports, ceux-ci restent néanmoins la source d’informations les plus fiables sur les questions du climat et de ses impacts. Sans ces rapports successifs depuis 1990, je ne pense pas que la question climatique serait aussi présente dans les esprits (grand public et monde politique). Par contre, je ne me fais aucune illusion sur les conclusions de la conférence de Paris-2015, tout au plus aurons-nous quelques timides avancées sur quelques dossiers techniques. Le monde occidental sera (peut-être) en train de sortir de sa plus longue crise économique et sera plus intéressé à consolider cette reprise plutôt que d’aborder des questions environnementales dont l’échéance critique est souvent perçue comme étant dans un lointain avenir ; autrement dit : on peut encore attendre avant d’agir…

> À lire sur FRANCE 24 pour plus d’informations sur le rapport du Giec : “Réchauffement climatique : des solutions pour éviter le pire”