Des abeilles-robot pour sauver la planète



Pour changer du ton alarmiste et bien souvent moralisateur qu’ont tendance à employer les ONG de défense de l’environnement, Greenpeace a choisi l’ironie pour sa nouvelle campagne de défense des abeilles.

Dans une vidéo d’un peu plus de deux minutes, l’organisation écologiste présente une invention technologique bien réelle - les RoboBees - qui aurait la capacité de pallier l’extinction prochaine des butineuses en les remplaçant par des abeilles-robot. “L’humanité est sauve !”, clame Greenpeace. “Avec RoboBees, il sera désormais possible de préserver une parfaite biodiversité tout en continuant à utiliser des pesticides, puisque rien ne peut les atteindre. N’est-il pas formidable de pouvoir pulvériser des produits phytosanitaires en quantité exorbitante, et en toute impunité ?”, interroge l’ONG dans l’espoir de provoquer une prise de conscience des sociétés civiles et surtout des politiques.



“C’est effectivement de la pure provocation”, commente pour FRANCE 24 Anaïs Fourest, chargée de campagne sur l’agriculture chez Greenpeace. “Actuellement, de plus en plus d’entreprises de l’agro-business proposent des solutions technologiques répondant soit-disant à tous les problèmes. C’est non seulement impossible mais c’est surtout la mauvaise direction à prendre”, s’inquiète-t-elle, estimant que la seule bonne réponse au déclin dramatique des insectes pollinisateurs c’est d’imposer une agriculture écologique. “La science fiction doit rester de la science fiction !”, ajoute-t-elle à propos de RoboBees, un projet de microrobotique soutenu par la prestigieuse université d’Harvard aux État-Unis.

“Notre modèle agricole est à bout de souffle”

Rapporteur spécial des Nations unies pour le droit à l'alimentation pendant six ans, Olivier De Schutter, défend une position similaire : “Notre modèle agricole, fondé sur des intrants intensifs [engrais et pesticides, ndlr] et dépendant de l'industrialisation toujours plus poussée de l'agriculture, est à bout de souffle. Il faut donc changer de cap et aller vers l'agroécologie. Le problème, c'est que les États rencontrent beaucoup d'obstacles pour passer du discours aux actes”, explique-t-il dans une interview accordée au “Monde” alors que son mandat pour l’ONU est arrivé à échéance fin avril.

Le juriste fait état de plusieurs obstacles qui freinent, voire bloquent, le passage à une agriculture respectueuse de la biodiversité et de l’environnement. Du point de vue technologique, d’abord, “la modernisation de l'agriculture mondiale s'est fait uniquement selon un modèle productiviste.” Le facteur “socio-économique” est également à prendre en compte : “de grands acteurs dominent le marché, aussi bien au niveau des producteurs d'intrants que des industries de transformation. La possibilité pour de petits acteurs ou même des acteurs de taille moyenne de créer des alternatives est donc très limitée.” Autre obstacle et non des moindres : la conjoncture politique. “Les gouvernements sont sensibles aux intérêts de leurs grandes entreprises agro-alimentaires, qui se trouvent de fait disposer d'un droit de veto sur les transformations d'ensemble”, explique Olivier De Schutter.

Interdiction des épandages de pesticides en journée

En France, le gouvernement montre tout de même plusieurs signes encourageants pour répondre au problème de l’utilisation massive de pesticides conduisant à l’extinction des abeilles. Le ministre de l’agriculture, Stéphane Le Foll, a annoncé, le 28 avril dernier, que les épandages de produits phytosanitaires seront bientôt totalement interdits en journée. "Une étude qui a été rendue de l'Anses [Agence nationale de sécurité sanitaire, ndlr] sur les épandages de pesticides conclut de manière claire que les abeilles sont sensibles à la lumière, il va falloir que l'on modifie les pratiques d'épandage vers des épandages le soir", a expliqué le ministre lors d'un point d'étape de son plan (2013-2015) pour une apiculture durable. Selon les conclusions de l’Anses, l’épandage matinal laisse des traces de pesticides dans l'eau et dans la rosée ce qui perturbe ces insectes particulièrement lors des périodes de floraison de printemps et de l'été.

Un arrêté inter-ministériel d'interdiction des épandages en journée est en cours de rédaction et devrait être publié au Journal Officiel d'ici trois ou quatre mois, a indiqué Stéphane Le Foll. Actuellement, des produits chimiques comportant la mention "Abeilles" sont déjà prohibés mais de nombreux agriculteurs obtiennent des dérogations. Avec cette nouvelle législation, plus aucune exception ne devrait être accordée. "Il faut que chacun ait conscience des efforts à faire" et "il s'agit d'assurer la production agricole, et en même temps d'assurer la pollinisation et la production de miel", a insisté le ministre. Le pollen des abeilles permet à 70% des plantes et fleurs - cultivées ou sauvages - de se reproduire, selon les chiffres de l’Institut national de la recherche agronomique. Sans insecte pollinisateur, nous manquerions cruellement de fruits, de légumes et même de stimulants comme le café ou le cacao.

“Les abeilles ne peuvent plus attendre”

Ces efforts gouvernementaux, Greenpeace les reconnaît, mais l’ONG veut aller plus loin. “Nous réclamons des mesures fortes et ambitieuses qui soient immédiates. Les abeilles ne peuvent plus attendre et cela fait des mois déjà que nous réclamons que le rôle des pesticides soit pris à leur juste mesure. Ce n’est toujours pas le cas”, déplore Anaïs Fourest qui demande que l’interdiction ne soit pas limitée aux périodes de floraison. “Chez Greenpeace, nous avons identifié sept pesticides très dangereux parmi les plus utilisés chez les agriculteurs. il s’agit entre autres des insecticides dits neurotoxiques qui agissent directement sur le système nerveux des abeilles, tout au long de l’année”, explique la spécialiste qui souhaite leur suppression pure et simple. “C’est une mesure efficace qui peut intervenir dans l’immédiat.”

À l’échelle de l’Union européenne, quatre insecticides systémiques dont trois neurotoxiques ont déjà été interdits temporairement. “Nous, on demande de ne pas se satisfaire de cette restriction. Cette famille de pesticide est un fléau à court-terme.” Quant au moyen-terme, Anaïs et les équipes de Greenpeace ne l’envisage pas sans une mutation vers l’agriculture écologique. “C’est notre seule porte de sortie”, conclut-elle.

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> Du 19 au 21 juin 2014, se déroule la 5ème édition des APIdays, les Journées nationales de l'Abeille. Organisé par les professionnels de l'Union nationale des apiculteurs français (UNAF), cet événement gratuit, festif et pédagogique vise à mobiliser le grand public autour de la sauvegarde des abeilles.

Plus d’infos : http://www.abeillesentinelle.net
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